A l’heure du tout numérique, la formation professionnelle remplit-elle sa fonction régulatrice du marché de l’emploi ? Telle est la question que l’on peut légitimement se poser. En effet, Pôle emploi estime que pour 2017 entre 200 000 et 300 000 emplois sont restés vacants par manque de compétences, d’expériences ou de diplômes, un chiffre en hausse par rapport à 2015. Force est donc de constater que les centres de formation professionnelle ne semblent pas être en adéquation avec la réalité du marché de l’emploi. C’est pourquoi le législateur a entendu rénové le système de la formation professionnelle et de l’apprentissage par la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 relative à la liberté de choisir son avenir professionnel.
1. L’esprit de la réforme
Selon l’exposé des motifs du projet de loi, le nouveau dispositif vise à dynamiser la transformation du marché du travail par une rénovation en profondeur du système de formation professionnelle et d’apprentissage.
2. Définition légale de l’action de formation
Le texte adopté instaure une définition modernisée de l’action de formation. Aux termes du nouvel article L.6313-2 du Code du travail, celle-ci est entendue comme un parcours pédagogique visant à une finalité professionnelle, lequel peut être réalisé totalement ou partiellement à distance selon des modalités définies par décret. Il résulte de cette qualification une volonté de prendre en compte la transformation digitale dans l’action de formation.
3. Etat des lieux dans les organismes de formation professionnelle
Dans son rapport sur « la transformation digitale de la formation professionnelle continue » de mars 2017, l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) relève des disparités flagrantes entre les organismes de formation professionnelle. L’intégration du numérique dans la formation resterait le plus souvent au stade de promesses. Ainsi, plus de 50% des organismes privés de formation professionnelle n’intègrent pas, en 2016, de prestation en formations digitales. Seule une infime partie de ces organismes (4 %) ont un chiffre d’affaires généré à plus de 50% par ce type de prestations. Enfin, force est de constater que le secteur des formations digitalisées est le plus souvent investi par les grandes entreprises, tandis que les PME qui pourraient en bénéficier n’y ont pas recours, à l’exception de celles qui évoluent dans l’univers du numérique (Source : http://www.igas.gouv.fr/IMG/pdf/2016-055R.pdf).
4. Perspectives d’évolution
Il apparaît, au regard de l’étude de l’IGAS notamment, que certains organismes de formation professionnelle n’ont pas tiré les conséquences de la mutation numérique. Une situation qui devrait évoluer sous la pression des professionnels ou des étudiants qui réclament davantage de services numériques dans les formations. La création de « 42 », l’école de Xavier Niel, gratuite et ouverte aux étudiants sans diplômes, destinée à former des développeurs informatiques en est une illustration. Lors de son lancement en 2013, le PDG de Free confiait à la presse que le problème de l’emploi aurait pu être réglé si la France tenait sa place dans le numérique. Certaines entreprises ont toutefois pris conscience de l’importance de ces nouvelles plateformes digitales et collaboratives dans leur stratégie de développement des compétences ou même jusqu’à développer fortement leurs propres universités d’entreprise…
La récente réforme devrait également influer sur l’organisation des organismes de formation. En effet, la loi consacre, d’une part, le e-learning comme composante à part entière de l’action de formation et, d’autre part, elle instaure un système de certification des organismes par des certificateurs professionnels et indépendants à compter du 1er janvier 2021. A cet égard, un référentiel national doit être mis en place sur lequel devront s’appuyer les certificateurs. Il est fort à parier que l’aspect digital y occupera une place centrale, participant ainsi de la dimension qualitative de la formation voulue par le législateur. Une perspective prometteuse qui permettrait de lier les compétences au marché de l’emploi mais qui exigera aussi de la part des organismes de formation professionnelle qu’ils s’équipent en logiciels de gestion adaptés aux enjeux de la digitalisation.